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mercredi 31 juillet 2024

Filles Perdues


Filles Perdues
 
En 1913, en Autriche, existe un hôtel dirigé par Mr Rougeur, un français très porté sur les livres pour adultes, aux contenus pour le moins libertins. Cela fait quelques temps qu’une femme d’âge mûr, Alice, y loge également. Celle-ci aime particulièrement se caresser tout en se regardant dans le miroir. Un peu plus tard, une jeune américaine du nom de Dorothée Gale arrive à l’hôtel et fait rapidement la connaissance d’un jeune homme, le capitaine Rolf Bauer. Après un dîner fort agréable, ce dernier l’emmène dans un des jardins de l’hôtel et la déshabille. Après quelques préliminaires, il commence à lui pratiquer un cunnilingus tout en se masturbant. Mais après quelques instants, le militaire n’en peut plus et éjacule, trop excité à la vue des superbes chaussures que porte Dorothée. Le lendemain, un couple arrive, Harold et Wendy Potter. Après une nuit assez agitée où les bruits et cris provenant de chambres voisines se font entendre, Wendy fait rapidement la connaissance de Dorothée et d’Alice, les responsables des bruits nocturnes, qui faisaient l’amour. Les jours passent et les trois femmes voient leurs liens se renforcer, venant même à se confier leurs premiers émois tandis que leur relation devient de plus en plus charnelle…
 

Filles Perdues
Scénario : Alan Moore
Dessins : Melinda Gebbie
Encrage : Melinda Gebbie
Couleurs : Melinda Gebbie
Couverture : Melinda Gebbie
Genre : Erotique
Editeur : Taboo
Titre en vo : Lost Girls
Pays d’origine : Grande-Bretagne
Langue d’origine : anglais
Parution : 10 mai 2006
Editeur français : Delcourt
Date de parution : 19 mars 2008
Nombre de pages : 320
 
Liste des épisodes
Lost Girls 1-30
 
Mon avis :
 Après vous avoir proposer les critiques de deux des plus grands chef d’œuvres du grand Alan Moore, V pour Vendetta et From Hellabordons à présent ce qui est sans aucune contestation possible l’œuvre la plus polémique de l’auteur britannique, un certain Filles Perdues. Bon, ici, nous naviguons entièrement en dehors des sentiers battus de la bande dessinée traditionnelle puisque cette création du sieur Moore, accompagné aux dessins par sa compagne, Melinda Gebbie, est tout simplement à ranger dans la catégorie érotique. D’ailleurs, j’irais même plus loin, au vu des très nombreuses scènes proposées dans ce gros ouvrage, parler de pornographie serait, selon moi, nettement plus adapté. Naturellement, le lecteur, peut connaisseur du scénariste, a de quoi être pour le moins dubitatif devant ce Filles Perdues et on peut parfaitement le comprendre, car bon, comment dire… si, au fil de ses diverses créations, Moore n’a jamais été très avare de nous proposer, lorsque le cœur lui disait et que cela se justifiait, scénaristiquement parlant, de nous proposer des scènes pour le moins crues. Mais une œuvre totalement pornographique, là, il y a un pas que le britannique a joyeusement franchis et dont le résultat, s’il prête naturellement à la polémique, n’en n’est pas moins excellent ! Ainsi, en reprenant les héroïnes de trois des contes modernes parmi les plus célèbres, c’est-à-dire, Peter PanLe Magicien d’Oz et Alice au Pays des Merveilles, Alan Moore ne se contente pas de nous offrir un récit qui verrait les trois femmes, désormais plus âgées, se rencontrer dans un quelconque hôtel en plein cœur de l’Europe et tout juste avant le début de la Première Guerre Mondiale. Non, Moore va plus loin et va plutôt nous proposer les récits érotiques de ces trois héroïnes : ainsi, au fil des pages, le lecteur qui aura le plus grand mal à parcourir cet ouvrage d’une seule main – c’est qu’il est plutôt imposant le bougre – va découvrir les relations sexuelles des trois femmes mais également leurs premiers émois amoureux. Et, justement, si voir toute l’hypocrisie de la prude société de l’époque est plutôt jouissive lorsque l’on découvre les débauches diverses qui ont lieu, la partie la plus intéressante, finalement, est celle où Moore nous montre comment les premières expériences sexuelles de ses héroïnes sont à la base des contes qui nous sont plus familiers. Bien entendu, je n’en dirais pas davantage afin de ne pas dévoiler tout un plan de l’intrigue et me contenterais de dire que, une fois de plus, avec Alan Moore, use et abuse de moult références et que si les dessins pour le moins crus ont de quoi émoustiller les plus sensibles d’entre nous, c’est entre les lignes qu’il faut lire cette œuvre et prendre ainsi plaisir à découvrir comment le sexe aura accoucher de ces œuvres destinées aux enfants… Une fois de plus et sans grande surprise malgré la prise de risque notable prise ici, Alan Moore confirme tout le bien que l’on peut penser de lui et, ma foi, faire d’une BD pornographique un véritable chef d’œuvre est pour le moins impressionnant. Naturellement, Filles Perdues n’est pas a maitre entre toutes les mains car bon, si la masturbation, la sodomie, l’homosexualité, le lesbianisme, le fétichisme et les orgies sont bien au rendez vous, certains risquent d’avoir du mal avec des scènes disons, plus problématiques comme les relations incestueuses, la pédophilie et la zoophilie. Prises dans le récit, celles-ci s’expliquent, mais bon Alan Moore va très loin tout de même ici, peut-être trop loin pour certains…
 

Points Positifs
 :
- Probablement l’œuvre la plus polémique et la plus osée d’Alan Moore. Il faut dire que Filles Perdues est une œuvre que l’on peut qualifier sans discussion de pornographique, cependant, malgré ce constat pour le moins évidant, tout le génie de l’auteur est au rendez vous et si s’avère que cette BD est bien plus complexe qu’on pourrait le penser de prime abord.
Filles Perdues en dehors de ses très nombreuses scènes de sexe, est aussi une œuvre qui nous permet de voir comment les premières expériences sexuelles de nos trois héroïnes ont été, du moins, selon la vision de Moore, à l’origine de la création de ces trois classiques que sont Peter PanLe Magicien d’Oz et Alice au Pays des Merveilles.
- Pour ce qui est de la partie graphique, Melinda Gebbie nous livre une prestation que l’on pourrait qualifié de simpliste avec ses tons pastels mais qui n’en reste pas moins de qualité.
- Comme à chaque fois avec Alan Moore, c’est complexe, bourré de références à l’histoire et à la culture populaire, cependant, si vous possédez quelques bonnes connaissances et que vous êtes fan du genre, alors, la lecture de Filles Perdues sera un pur régal pour vous.
- Une édition de fort belle qualité. Chapeau bas aux éditions pour celle-ci et, accessoirement, pour le courage d’avoir publié cette œuvre en français !
 
Points Négatifs :
- Bien entendu, Filles Perdues est une œuvre pornographique et celle-ci n’est absolument pas destinée à tout le monde. Certains risquent de prendre leur jambe à leur coup devant cette avalanche orgiaque de débauche sexuelle !
- Même si cela se justifie dans le récit, nombreux sont ceux qui auront beaucoup de mal avec les scènes où l’on assiste à des relations incestueuses, de la pédophilie et de la zoophilie…
- Comme souvent chez Moore, posséder de bonnes connaissances en histoire s’avère nécessaire pour mieux saisir toutes les subtilités de ce Filles Perdues, sans parler, bien entendu, des nombreuses références qui parsèment les plus de 300 pages de cet album.
 
Ma note : 8,5/10

From Hell


From Hell
 
Septembre 1923, sur une plage de Bournemouth, ville portuaire située sur la côte sud de l'Angleterre, dans le comté de Dorset. Deux vieillards marchent sur le sable et dissertent ensemble. La Première Guerre Mondiale leur semble encore bien proche. M. Lees pense qu'elle est annonciatrice de la fin du capitalisme. Bien qu'il soit issu des classes moyennes, il se revendique d'un socialisme, qui, bientôt, renversera, par l'accession du Parti Travailliste, le régime de Sa Majesté. M. Abberline, lui, au contraire, est issu d'une famille ouvrière qui a toujours voté pour les Tory. Mais ce qui taraude vraiment les deux patriarches, ce n'est pas tant la situation politique de leur patrie que les remords et la culpabilité qu'ils partagent. Lees, pour la première fois de sa vie, avoue qu'il a été un imposteur. Abberline, quant à lui, a été un flic qui a préféré se taire. Tous deux s'accordent à avouer qu'ils se sont enrichis avec rien. Plus exactement avec le silence. L'ex-flic en a tiré une pension confortable et ses économies s'évaluent aussi à une tonne d'ennuis qu'il a évités en se taisant. Le voici jouissant de bons à côtés et d'une maison coquette située sur le front de mer et dans laquelle il va accueillir sa vieille connaissance qu'est Lee. Il lui souhaite la bienvenue dans la demeure que Jack a bâtie...
 

From Hell
Scénario : Alan Moore
Dessins : Eddie Campbell
Encrage : Eddie Campbell
Couleurs : Eddie Campbell
Couverture : Eddie Campbell
Genre : Horreur, Policier
Editeur : Taboo
Titre en vo : From Hell
Pays d’origine : Grande-Bretagne
Langue d’origine : anglais
Parution : 23 décembre 1999
Editeur français : Delcourt
Date de parution : 24 octobre 2000
Nombre de pages : 576
 
Liste des épisodes
From Hell 1-10
 
Mon avis :
 Après les chefs-d’œuvre que furent V pour Vendetta et Watchmen, Alan Moore confirme tout le bien que l’on pense de lui et, particulièrement, son génie, avec la sortie, a la toute fin des années 90, de ce véritable monument de la bande dessinée qu’est From Hell. Ainsi, dans ce véritable pavé, le scénariste britannique convoque des figures mythiques comme Baal, Horus et Dionysos, bibliques, littéraires, tout en mettant en avant la plus célèbre des sociétés secrètes, la fameuse Franc-maçonnerie, pour une plongée dans l’apocalypse du Londres victorien, a la fin du règne Victorien et, plus précisément, pour nous donner sa vision des tristement célèbres crimes d’un certain Jack l’Éventreur ! Bien entendu, les lecteurs de La Ligue des Gentlemen Extraordinaires seront en terrain familier, le programme de Moore s’abreuvant, encore une fois, aux sources de l’enfer et du chaos pour dépeindre un monde cauchemardesque aux vertus libératrices. Cependant, il ne faut pas s’y méprendre, From Hell n’est pas que le simple récit d’une enquête policière, avec le plus célèbre des serials killers et des meurtres à élucider. Au-delà de l’intrigue en elle même – Moore reprend ici une des nombreuses thèses au sujet de l’identité de Jack l’Eventreur, probablement la plus connue mais pas forcément la plus crédible – le récit propose plutôt une réflexion métaphysique d’une profondeur inouïe, prenant pour objets le pouvoir, l’aliénation de l’homme et sa folie. Œuvre résolument noire, brillante réflexion sur le mal et ses déclinaisons crépusculaires, From Hell plonge le lecteur dans les recoins de l’âme et de la conscience pour fabriquer son propre mythe, celui d’un mal sans fin. Tel un miroir ou un écho fantasmé, le graphisme d’Eddie Campbell se met au diapason de l’ambiance glauque, avec un noir et blanc dégoulinant de crasse, sale et charbonneux. Tour à tour dépouillé et rigoureux, le trait vient sublimer la portée symbolique du propos. Le mélange d’une écriture profonde et d’un dessin au cordeau, accouche d’une construction magistrale, propre à faire de From Hell un véritable chef-d’œuvre du neuvième art. Soulignons enfin la rigueur d’Alan Moore. En effet, afin de mieux montrer le chaos, il se fait brillant chercheur en compilant une documentation très fouillée, quasiment exhaustive, dans une affaire où les convictions l’emportent largement sur les certitudes, quarante pages de notes venant clore cette œuvre à l’équilibre parfait. Sombre portrait d’une modernité à venir, From Hell – qui annonce d’une certaine manière l’avènement des régimes totalitaires – vous invitera finalement à mieux connaître l’essence humaine. Une œuvre cathartique, un horizon indépassable et qui est, tout simplement, culte…
 

Points Positifs
 :
- Un des plus grands chefs d’œuvres d’Alan Moore, tout simplement ! Il faut dire que, en s’attaquant à la figure mythique de Jack l’Eventreur, le scénariste britannique réussit non seulement son pari mais surtout, en nous livrant un tour de force peu commun, scénaristiquement parlant et en usant, comme à son habitude, de ses nombreuses connaissances, Moore livre une œuvre peu commune, d’une complexité rare mais qui s’avère, pour peu que l’on s’y accroche, être une pure merveille !
- Bien évidement, il y aurait à redire sur l’hypothèse choisie par Alan Moore pour ce qui est de l’identité de Jack l’Eventreur, cependant, force est de constater que celle-ci est, sans aucun doute, la plus attirante, ne serais-ce que parce qu’elle met en cause un individu connu et fort proche du pouvoir royal. Du coup, il est difficile de ne pas adhérer à celle-ci…
- Le choix du noir et blanc s’avère être fort judicieux et si, de prime abord, on peut trouver le style d’Eddie Campbell pour le moins brouillon, ce n’est qu’une fausse impression : l’artiste est nettement plus talentueux qu’on pourrait le penser et son choix de nous proposer une vision sale et sombre du Londres Victorien est un plus indéniable qui nous permet de mieux nous plonger dans l’ambiance malsaine du récit.
- Comme à chaque fois avec Alan Moore, c’est complexe, bourré de références à l’histoire, à la culture populaire, aux mythes et aux légendes, cependant, si vous possédez quelques bonnes connaissances et que vous êtes fan du genre, alors, la lecture de From Hell sera un pur régal pour vous.
- Les notes, nombreuses, permettent de mieux comprendre l’œuvre d’Alan Moore.
 
Points Négatifs :
- Comme souvent chez Moore, posséder de bonnes connaissances en histoire s’avère nécessaire pour mieux saisir toutes les subtilités de ce From Hell, sans parler, bien entendu, des nombreuses références qui parsèment les presque 600 pages de cet album.
- Une œuvre absolument pas grand public et d’une complexité rare. Bref, à ne pas mettre entre toutes les mains…
 
Ma note : 10/10

V pour Vendetta


V pour Vendetta
 
Fin du XXème siècle, le monde a sombré tragiquement depuis le déclenchement d'un immense conflit nucléaire. Même si l'Angleterre à été épargnée, elle subit cependant de plein fouet les désastreuses conséquences climatiques qui ravagent son territoire et sèment la maladie et la famine. Des émeutes explosent un peu partout. Pour mettre fin au chaos ambiant, un groupuscule fasciste s'empare du pouvoir et met en place une purge des citoyens jugés déviants. Les opposants politiques, les minorités ethniques ou bien encore les homosexuels sont arrêtés par milliers et envoyés vers des camps de concentration, au cœur desquels des sadiques de la pire espèce sévissent. La société, quant à elle, est surveillée par le système qui contrôle tout et se charge des punitions arbitraires. Ainsi en plein désarroi, la Jeune Evey Hammond accoste maladroitement un homme dans la rue à la nuit tombée, afin de lui proposer son corps en échange d'un peu d'argent pour survivre. Mais ce dernier lui révèle être un agent des mœurs en planque et hélas les bonnes mœurs ont depuis bien longtemps été abandonnées par la police locale. Evey échappe de peu à un viol collectif suite à l'apparition impromptue d'un illuminé déguisé et masqué qui rosse les vilains tout en citant du Shakespeare. En sécurité sur les toits de Londres, ils contemplent alors ensemble l'impressionnante explosion du parlement de Westminster, suivie d'un feu d'artifice balafrant le ciel d'un immense V. Vive l'Angleterre, la machine vengeresse est en marche...
 

V pour Vendetta
Scénario : Alan Moore
Dessins : David Lloyd
Encrage : David Lloyd
Couleurs : David Lloyd
Couverture : David Lloyd
Genre : Politique, Dystopie
Editeur : Vertigo
Titre en vo : V for Vendetta
Pays d’origine : Etats-Unis
Parution : 10 juin 1989
Langue d’origine : anglais
Editeur français : Urban Comics
Date de parution : 27 mars 2020
Nombre de pages : 400
 
Liste des épisodes
V for Vendetta 1-11
 
Mon avis :
 Cela faisait quelques temps que je ne vous parlais pas du génialissime Alan Moore, sans aucun doute possible, le plus grand auteur de comics  de ces quatre dernières décennies et qui, au fil du temps, nous aura proposé moult chef d’œuvres incontestables comme Watchmen ou La Ligue des Gentlemen Extraordinaires. Et donc, profitant de cette période estivale, je me suis dit que l’occasion était parfaite pour me lancer dans la lecture d’autres titres majeurs du Sorcier de Northampton, surtout que, mine de rien, parmi ces derniers, il y avait quelques magnifiques pépites, des incontournables comme ce fameux V pour Vendetta dont je vais vous parler aujourd’hui. Nous sommes à la fin des années 90 et, une décennie auparavant, le monde a connu un conflit nucléaire qui ne l’aura pas dévasté totalement. L’Angleterre s’en est plus ou moins sortit mais un régime dictatorial s’est installé et tient, comme il fallait s'y attendre, sous sa joug le peuple, écrasant celui-ci sous une poigne de fer. Pourtant, alors que l’avenir apparait bien sombre, un homme sans nom, sans visage, apparait et lutte seul contre le régime en place, commettant des attentats et des meurtres de personnalités. Cet homme qui se fait appeler V souhaite rendre le pouvoir au peuple, du moins, si celui-ci en est digne… En partant de ce postulat de départ qui pourrait flirter allègrement avec un certain 1984 de George Orwell chef d’œuvre absolu du genre dystopique, Alan Moore nous livre avec V pour Vendetta probablement ce qui est la BD qui retranscrit avec le plus de justesse la dictature. Imaginant ce qu’aurait put donner les iles britanniques sous un régime fasciste, l’auteur nous offre un récit oppressant, menaçant et suffisamment solide pour sortir définitivement du simple carcan grand public un peu stupide où est relégué, en temps normal, l’amateur de comics. Bien évidement, avec Watchmen, Alan Moore nous avait déjà prouvé que le genre n’était pas réservé aux super-slips et que, même en mettant en scène ces derniers, il y avait matière à nous en proposer une vision plus intelligente. Avec V pour Vendetta, Moore va encore plus loin puisque, ici, non seulement V n’a pas grand-chose a voir avec les super-héros – en dehors du fait qu’il porte un masque – mais que, en plus, l’ennemi, dans ce récit, est autrement plus redoutable qu’un quelconque pantin costumé puisqu’il s’agit de politiciens – après tout, faut-il rappeler les millions de morts causés, au vingtième siècle, par les diverses dictatures, quelles soient de gauche comme de droite ? Qui plus est, le propos d’Alan Moore est de nous montrer que, davantage que les capacités d’un homme a lutter contre le mal, ce qui compte, c’est avant toute chose, une idée, un symbole : après tout, un être humain peut être tué. Un symbole, lui, ne meurt pas. Et c’est probablement cela qui fait aussi la réussite de ce V pour Vendetta, une œuvre intelligente et, finalement, moins manichéenne qu’on pourrait le penser de prime abord puisque, dans celle-ci, certains des membres du pouvoir en place sont loin d’être des salauds et il y a même des victimes parmi eux. De même, à aucun moment Alan Moore ne glorifie les actes de V et même si l’on sent l’attrait de l’auteur pour l’anarchisme, il laisse le soin au lecteur de se faire sa propre opinion sur les agissements du justicier masqué… Bref, vous l’avez compris, V pour Vendetta est une œuvre majeure de la bande dessinée britannique et, incontestablement, un incontournable que tout amateur de comics se doit de lire au moins une fois dans sa vie. Après, il faut reconnaitre que ses thématiques, son propos et le style particulier d’Alan Moore qui est davantage un écrivain qu’un simple scénariste risque de ne pas plaire à tout le monde, mais bon, cela reste une affaire de gouts personnels comme c’est le cas avec pas mal d’œuvres géniales, tous genres confondus…
 

Points Positifs
 :
- Incontestablement, V pour Vendetta est la bande dessinée la plus intelligente qui ait été écrite au sujet de la dictature : œuvre d’une profondeur rare, plausible et pas manichéenne pour un sou, nous avons là une des plus belles créations du sieur Alan Moore ! Bref, un petit chef d’œuvre du Neuvième Art…
- Si V apparait comme étant, naturellement, le protagoniste phare de cette BD et qu’il écrase tous les autres de par son charisme, il faut reconnaitre que les autres personnages marquent également les esprits : Evey, bien entendu, mais aussi une bonne partie des membres du régime qui sont particulièrement bien développés plutôt que d’être de simples coquilles vides…
- Un récit découpé en trois actes, comme au théâtre et si le second est peut-être le moins aboutit, l’ensemble n’en reste pas moins réussi et captivant de bout en bout.
- Un être humain peut être tué. Un symbole, lui, ne meurt pas. Voilà ce qui ressort principalement de ce V pour Vendetta et, ma foi, cela résume plutôt bien ce comics.
- En effet, certains peuvent trouver que le style de David Lloyd accuse son âge, cependant, si vous êtes un peu agé comme moi – bref, dans les 40 ou 50 ans – et que vous êtes familier du style de l’époque, alors, vous serez probablement plus enclin a apprécier les dessins d’un artiste nettement plus talentueux qu’on pourrait le penser de prime abord.
 
Points Négatifs :
- Comme souvent chez Moore, posséder de bonnes connaissances en histoire s’avère nécessaire pour mieux saisir toutes les subtilités de ce V pour Vendetta, sans parler, bien entendu, des nombreuses références qui parsèment les presque 400 pages de cet album.
- Une œuvre absolument pas grand public et qui risque de déstabiliser un public que l’on qualifiera de moderne.
- Certains estimeront que le style de David Lloyd accuse un peu son âge est un trop typé années 80. Naturellement, cela reste une affaire de gouts personnels…
 
Ma note : 8,5/10

mardi 30 juillet 2024

L'Échiquier du Mal


L'Échiquier du Mal
 
En 1942, alors qu'il est prisonnier du camp d'extermination de Chelmno, Saul Laski, un juif polonais déporté, est emmené par le colonel SS Wilhelm von Borchert dans un château perdu en pleine forêt. Là, il participe comme « pion » à une partie d'échecs entre le colonel et un vieil officier SS. Toutes les pièces de l'échiquier géant sont comme lui des prisonniers sortis des camps. Saul fait alors l'expérience traumatisante du « Talent », ce pouvoir psychique qui permet aux deux officiers SS de s'insinuer dans l'esprit des prisonniers pour les faire se déplacer sur l'échiquier ou se tuer lorsqu'ils sont pris par l'adversaire. Après la guerre, devenu psychiatre, Saul Laski s'efforce de retrouver la trace de son ancien tortionnaire, le colonel Wilhelm von Borchert, qu'il appelle l'Oberst. Au mois de décembre 1980, à Charleston en Caroline du Sud, trois vieux amis, Nina Drayton, William Borden et Melanie Fuller, se rencontrent pour évoquer leur jeunesse viennoise et surtout pour compter leurs points. En effet, chacun est doué du « Talent » et montre aux deux autres ses derniers meurtres en date, à grand renfort de coupures de presse, de clichés et de cassettes vidéo. À l'issue de leur rencontre, Melanie Fuller se fait agresser en pleine rue par son majordome, manipulé psychiquement par Nina Drayton. Elle se défend en utilisant elle-même plusieurs passants et voisins innocents et réussit finalement à s'échapper après avoir retrouvé et assassiné son amie Nina. Intrigué par la série de meurtres inexpliqués de Charleston, Saul Laski mène sa propre enquête, bientôt aidé par Natalie Preston, la fille d'une des victimes de Melanie Fuller, et par le shérif du Comté, Bobby Joe Gentry.
 

L'Échiquier du Mal
Auteur : Dan Simmons
Type d'ouvrage : Fantastique
Première Parution : 10 février 1989
Edition Poche : 09 octobre 2014
Titre en vo : Carrion Comfort
Pays d’origine : Etats-Unis
Langue d’origine : anglais
Traduction : Jean-Daniel Brèque
Editeur : Folio SF
Nombre de pages : 1024
 
Mon avis :
 Celui-là, je ne vais pas vous mentir, cela faisait longtemps que je souhaitais le lire, sensiblement une quinzaine d’années, pour être précis, plus ou moins après avoir lu pour la toute première fois Les Cantos d’Hypérion, véritable classique de la science-fiction et, accessoirement, chef d’œuvre absolu du sieur Dan Simmons. Il faut dire que, depuis que j’en ai entendu parler pour la toute première fois, j’ai eu l’occasion de lire moult critiques pour le moins élogieuses vis-à-vis de L'Échiquier du Mal, que cela soit de la part des critiques, de bons nombres de lecteurs et même d’un certain… Stephen King. Bref, de quoi me plonger avec une certaine confiance dans une œuvre qui, sur le papier, promettait énormément… Le problème, et il est de taille, c’est que, si, effectivement, sur le papier, les promesses étaient nombreuses, le résultat final lui, m’aura profondément déçu, ennuyer et m’aura laissé la bien curieuse impression qu’avec Dan Simmons, finalement, en dehors des Cantos, rien de ce qu’aura pondu cet auteur m’aura plu… Pourtant, les choses débutaient plutôt bien dans L'Échiquier du Mal et je dois reconnaitre que cette histoire d’individus surpuissants – les fameux vampires psychiques – capables de manipuler n’importe quel quidam et d’en faire une arme en puissance avait de quoi promettre un roman fantastique de qualité. Le souci, c’est qu’en dehors de ces belles promesses et d’une première partie que l’on peut qualifié de, sensiblement, correcte – à défaut d’être géniale – la suite n’est qu’une lente descente vers le néant narratif et le grand guignolesque… Ainsi, L'Échiquier du Mal est composé de la sorte : une première partie où l’on découvre les protagonistes, les pouvoirs de ces fameux soit disant vampires, une partie assez spectaculaire dans l’ensemble. Ensuite, la deuxième est sans nul doute la pire en étant interminable, Simmons prenant un malin plaisir à agrandir artificiellement son intrigue avec cette pseudo guerre des gangs contre le FBI dont, en toute sincérité, on se moque pas mal. Pour finir, la conclusion qui voit l’auteur tomber encore plus dans le grand n’importe quoi, le scénario basculant totalement dans la série B, un peu comme ces téléfilms américains voir de ces blockbusters qui, en dehors des moyens, un poil plus conséquents, ne brillent pas vraiment par leur scénario… Bref, ici, nous sommes à mille lieux, que dis-je, à des années lumières des Cantos d’Hypérion et je me demande même comment Simmons peut être capable de nous pondre un chef d’œuvre d’un coté et un truc aussi moyen de l’autre – après, il y a aussi le cas Olympos qui est une véritable bouse ! Ajoutons à cela des protagonistes sans grand intérêt et sans le moindre charisme, pas mal d’incohérences, des longueurs a n’en plus finir, un final ridicule et un Simmons qui ne peut s’empêcher, régulièrement, de parler d’Israël et de son besoin de se défendre contre les méchants arabes – on verra ce que cela donnera quelques décennies plus tard avec le tristement célèbre Olympos – et on obtient, au final, un ouvrage qui m’aura franchement ennuyer et qui m’aura laisser pour le moins dubitatif vis-à-vis de toutes les critiques élogieuses que j’ai put lire a son sujet. Certes, les gouts et les couleurs ne se discutent pas, mais dans le cas de L'Échiquier du Mal, j’ai de quoi être perplexe…
 

Points Positifs
 :
- Le postulat de départ de L'Échiquier du Mal est plutôt bon et il est clair que cette idée de vampires psychiques, ces individus surpuissants capables de manipuler les autres par la pensée est tout sauf mauvaise. Bref, il y avait de quoi faire beaucoup mieux…
- La première partie, à défaut d’être géniale, se laisse lire et part sur de bonnes bases.
- William Borden, alias Wilhelm von Borchert, et Melanie Fuller sont les personnages qui marquent le plus les esprits. A un degré moindre, Tony Harod mérite le détour, ne serais-ce que pour tous ses défauts.
 
Points Négatifs :
- Un final complètement ridicule et digne des plus grands navets hollywoodiens. Ici, Simmons est en pilotage automatique et nous pond une conclusion qui flirte allègrement avec le grand guignolesque.
- Entre des protagonistes majeurs qui perdent la vie sans que l’on ressente quoi que ce soit envers eux, d’autres qui se comportent de manière pour le moins stupide ou singulière – pour quelle raison la secrétaire de Tony décide, subitement, de coucher avec lui, sans qu’il y ait la moindre explication – tout un tas de personnages secondaires qui ne servent pas a grand-chose et d’autres qui, subitement, sont présentés comme étant racistes – Melanie Fuller – alors que rien ne le laissait penser jusqu’à alors – probablement un moyen pour Simmons de rendre son personnage moins sympathique – force est de constater que L'Échiquier du Mal ne brille pas par sa cohérence, bien au contraire.
- Mais qu’est ce que c’est long, que de longueurs interminables, que de détails superflus… Simmons était payer à la ligne ou quoi !? Bref, ce roman aurait put contenir, facilement, 400 pages de moins…
- Attention au spoiler : on se demande bien comment Saul Laski et Nathalie Preston finissent par s’en sortir indemnes !?
- Il faut reconnaitre que les dialogues n’aident pas vraiment ; quand je vous disais que l’on nageait en pleine série B…
- Dan Simmons ne peut pas s’empêcher de parler d’Israël, du besoin qu’a ce pays de se défendre des  méchants arabes, etc.
 
Ma note : 4/10

The Visitor


The Visitor
 
Neil Young
 
1 - Already Great (Neil Young) 5:47
2 - Fly by Night Deal (Neil Young) 2:37
3 - Almost Always (Neil Young) 4:50
4 - Stand Tall (Neil Young) 5:13
5 - Change of Heart (Neil Young) 5:54
6 - Carnival (Neil Young) 8:21
7 - Diggin' a Hole (Neil Young) 2:33
8 - Children of Destiny (Neil Young) 3:24
9 - When Bad Got Good (Neil Young) 2:00
10 - Forever (Neil Young) 10:32
 

The Visitor
Musicien : Neil Young
Parution : 01 décembre 2017
Enregistré : 04 novembre 2016 – 07 août 2017
Durée : 51:11
Genre : Rock
Producteur : John Hanlon, Neil Young
Label : Reprise Records
 
Musiciens :
Neil Young : chant, guitare, harmonica, sifflement, piano
Lukas Nelson : guitare, chant, glockenspiel, mandoline, orgue
Corey McCormick : basse, chant
Anthony LoGerfo : batterie
Tato Melgar : percussions
Micah Nelson : guitare, chant, piano, orgue
 
Mon avis :
 Après avoir satisfait les antis américanistes primaires et tous les pseudos rebelles des beaux quartiers parisiens qui n’ont jamais eu le moindre souci d’argent et qui rêvent soit disant du Grand Soir avec un album, The Monsanto Years, qui, comme non nom l’indique, s’en prenait a deux des figures du mal que sont Monsanto et Starbucks, Neil Young retomba tranquillement dans une certaine routine dont il est coutumier depuis plus de deux décennies en nous pondant, annuellement, un ou deux opus qui me méritaient guère que l’on s’y attarde. Pourtant, dans le lot et tout juste deux années après son brulot envers la firme Monsanto, notre Loner préféré rappela Promise of the Real à ses cotés pour un nouveau album, soit disant, coup de poing, la cible étant, cette fois ci, un certain Donald Trump ! Bon, vous l’avez compris, si le sieur Young se la joue une fois de plus vieux rebelle sur le retour et fait preuve d’une certaine colère envers l’ancien président des Etats-Unis – et qui pourrait l’être à nouveau cette année, au demeurant – force est de constater que nous sommes loin, mais alors, très loin des heures de gloire de sa carrière. Naturellement, vu le peu de qualité de la quasi-totalité de ses productions depuis le début des années 2000, un opus comme The Visitor apparait comme étant une bonne surprise, pourtant, au vu, par exemple, de ce que le Loner nous pondit dans les années 90, lorsque le feu sacré était encore là, de temps en temps, force est de constater que ce nouvel opus est loin, très loin d’être véritablement indispensable. Mais bon, les vieux fans qui ont compris depuis longtemps que Neil Young ne sortira plus de grands albums sauront s’en contenter, appréciant au mieux cet opus certes moyen mais loin d’être dégueulasse : ce n’est pas grand-chose, certes, mais c’est toujours mieux que rien…
 

Points Positifs
 :
- Le dernier opus de Neil Young qui, a la rigueur, peut encore valoir le coup et, encore, pour les fans les plus extrêmes et les plus désespérés qui ont compris depuis longtemps qu’il n’y a plus rien à attendre de celui qui fut, il y a longtemps désormais, un immense auteur interprète.
- Quelques titres sortent un peu du lot comme Already Great, Diggin 'a Whole, Stand Tall ou, a la rigueur, Carnival même si, il faut le reconnaitre, tout cela est un peu moyen.
- Comme cela avait déjà été le cas dans The Monsanto Years, la présence de Promise of the Real en soutient de notre vieux Loner est un plus indéniable.
 
Points Négatifs :
- Un opus moyen qui, certes, se démarque grandement du reste de la discographie récente du Loner mais qui est loin, très loin même d’être vraiment indispensable…
- Comme je l’ai souligné, il y a quelques titres qui éveillent notre intérêt mais il ne faut pas se leurrer, ceux-ci sont loin, très loin même des plus grandes chansons du Loner et que l’ensemble reste un peu trop moyen.
- On a compris que Neil Young n’aime pas Donald Trump tant il ne cesse de le marteler au cours de cet album, un peu, finalement, comme s’il tenait à faire oublier que, fut un temps, les deux hommes s’appréciaient grandement ?!
- Se la jouer rebelle a plus de soixante-dix ans, c’est sympa cinq minutes mais de là a en faire un album, bon, comment dire…
 
Ma note : 6/10

Munich


Munich
 
Lors des Jeux olympiques d'été de 1972 à Munich, le groupe terroriste palestinien Septembre Noir tue onze membres de l'équipe olympique israélienne. Avner Kaufman, un agent du Mossad d'origine juive allemande, est choisi pour diriger l'Opération Colère de Dieu, mission visant à assassiner onze Palestiniens impliqués dans le massacre. Sur les instructions d'Ephraïm, son supérieur hiérarchique, afin de donner au gouvernement israélien un démenti plausible, Kaufman démissionne du Mossad et opère sans lien officiel avec Israël. Son équipe comprend quatre volontaires juifs du monde entier : Steve, chauffeur sud-africain, Robert, fabricant belge de jouets et expert en explosifs, Carl, ancien soldat israélien et nettoyeur, et Hans, faussaire danois. Ils reçoivent des informations d'un informateur français, Louis.
 

Munich
Réalisation : Steven Spielberg
Scénario : Tony Kushner et Eric Roth, d'après le roman de George Jonas
Musique : John Williams
Production : DreamWorks Pictures, Universal Pictures, Amblin Entertainment
Genre : Espionage, Drame, Historique
Titre en vo : Munich
Pays d'origine : États-Unis, Canada
Langue d'origine : anglais, allemand, français, hébreu, arabe, italien, grec, russe
Date de sortie : 23 décembre 2005
Durée : 163 mn

Casting :
Eric Bana : Avner Kaufmann
Daniel Craig : Steve
Ciarán Hinds : Carl
Mathieu Kassovitz : Robert
Hanns Zischler : Hans
Geoffrey Rush : l'officier du Mossad Ephraïm
Michael Lonsdale : « Papa », le père de Louis
Mathieu Amalric : Louis, informateur français, le fils de « Papa »
Marie-Josée Croze : Jeannette, la tueuse à gage
Igal Naor : Mahmoud Hamchari
Hiam Abbass : Marie Claude Hamchari
Moritz Bleibtreu : Andreas
Yvan Attal : Tony, l'ami d'Andreas
Meret Becker : Yvonne
Karim Saleh : Issa
Omar Metwally : Ali
Mostéfa Djadjam : Hussein Abad Al-Chir
Anouk Hamel : la petite fille
Gila Almagor : la mère d'Avner
Valeria Bruni-Tedeschi : Sylvie, la femme de Louis
Ayelet Zurer : Daphna
Ami Weinberg : le général Zamir
Lynn Cohen : Golda Meir
Souad Amidou : la femme de Yussef
Mehdi Nebbou : Ali Hassan Salameh
Arnaud Marciszewer : un jeune homme
Jalil Naciri : un reporter arabe à Munich
Laurence Février : la femme de « Papa »
Mahmoud Zemmouri : un vieil homme libanais
Makram Khoury : Wael Zwaiter
Ula Tabari : une Palestinienne qui regarde la télévision
Stéphane Freiss : le journaliste français couvrant la prise d'otage à Munich
Karim Saidi : Denawi, un terroriste palestinien
Sasha Spielberg : la jeune Israélienne regardant la télévision
Djemel Barek : Zaid Muchassi
 
Mon avis :
 Je pense ne pas me tromper et encore moins exagérer en affirmant que le sieur Steven Spielberg est un des plus grands réalisateurs américains de la fin du vingtième siècle et que, encore actuellement, même s’il se fait plus rare derrière la caméra, il n’a rien perdu de sa superbe. Et donc, après vous avoir parlé de La Liste de Schindler, il y a de cela quelques mois, et qui, pour rappel, est un chef d’œuvre absolu, je reviens aujourd’hui avec une autre réalisation du maitre qui possède bien des points communs avec celui-ci, je veux, bien entendu, parler de Munich. Les Jeux Olympiques ayant débutés il y a quelques jours à peine, je me suis dit que l’occasion était trop belle pour revenir sur ce long métrage paru en 2005 et que je n’avais vu qu’une fois, sensiblement une ou deux années plus tard. La raison ? Disons que, pour rappel, lors des Jeux Olympiques de Munich, en 1972, un commando palestinien, Septembre Noir, lié a l’OLP, attaqua la délégation israélienne dans le village olympique, pris 11 athlètes en otage avant d’assassiner froidement ces derniers. Un drame absolu qui ne mit nullement fin aux Jeux, le show, comme chacun sait, devant continuer… Et donc, si Munich débute naturellement par ce drame, ce que traite ce film, c’est ce qui se déroula ensuite. Pour analyser clairement ce nouveau film de Spielberg, il convient de le mettre en parallèle à l'œuvre phare du réalisateur, La Liste de Schindler. En s'attaquant à la Shoah, le cinéaste triomphait doublement. D'une part, il prouvait qu'il était autre chose qu'un entertainer haut de gamme (apparemment, certains en doutaient). Mais surtout il démontrait que même en parlant d'un sujet aussi horrible et bouleversant, il savait distiller une ambigüité inattendue. Avec son héros, profiteur aveugle qui se trouvait une conscience. Ou tout simplement d'Amon Göth, qui laissait transparaître l'humain derrière le bourreau nazi. Comment qualifier ces deux personnages, d'une complexité remarquable, qui rendaient le film encore plus passionnant ? Eh bien, on se surprend à établir le même constat entre les protagonistes de Munich. En une seule réplique, les scénaristes Tony Kushner et Eric Roth mettent le doigt sur l'absurdité de la besogne d'Avner et de ses hommes. En qualifiant les différents attentats auxquels se livrent les deux camps de dialogue, le film résume parfaitement le non-sens de ce conflit opposant Israël à la Palestine. Un dialogue sans parole ni échange, mais parsemé de bombes et fusillades. Où trouver de l'espoir dans une telle configuration ? On le cherche, il apparait subrepticement. Par moments, il se glisse derrière la lucidité froide de Carl (Ciarán Hinds, impérial), dans le regard résigné de Hans (Hanns Zischler, fantastique) ou l'incertitude patente de Robert (Mathieu Kassovitz, touchant). Mais généralement, il prend l'apparence d'Avner, superbement campé par Eric Bana. Mais le vengeur du Mossad est un Janus à deux visages. L'une de ses faces est obnubilée par le passé, l'attentat, qu'il ne distinguera clairement qu'à la fin. Et l'autre ne voit pas plus loin que sa mission, si tant est qu'elle puisse s'arrêter un jour. Ainsi, sans grande surprise, Munich est un film noir, incroyablement noir. Si les rais de lumière se frayent un passage de temps à autre, lors d'une cohabitation bon gré mal gré, ils ne durent jamais. L'obscurité domine. Le sentiment de malaise persiste, et culmine lors d'une séquence intime où pulsions de mort et pulsions de vie s'étreignent jusqu'à implosion. Bref, vous l’avez compris, Munich fait partie des meilleurs travaux du sieur Spielberg : celui-ci n'a pas son pareil pour poser le contexte, amener l'élément perturbateur qui bloque la mécanique, et laisser son sens de l'image resserrer l'étau impitoyablement. Il sait également jouer avec l'attente ou les ruptures, en coupant volontairement la musique afin de laisser les sons et mouvements faire monter naturellement le suspense. Chaque scène cloue au fauteuil avec une efficacité telle qu'on ne peut tirer que ce constat : Spielberg n'est pas le Maître pour rien. Peut-on tiquer sur l'absence de parti pris de Munich ? Mais son absence n'est-elle déjà pas un parti pris éloquent ? On a souvent taxé injustement le cinéaste de naïf, mais ce film démontre sa grande intelligence quand il s'agit de regarder en face l'horreur de la realpolitik et de ses glaçantes répercussions sur l'avenir, un avenir qui, comme chacun sait, n’en n’est devenu que plus dramatique depuis un certain 7 octobre dernier…
 

Points Positifs
 :
- Un excellent film du grand Steven Spielberg – un de plus me direz vous – qui confirme une fois de plus son immense talent et sa maitrise absolue d’une réalisation inventive et sans la moindre faille.
- Naturellement, Munich, de par sa thématique, est à reprocher de La Liste de Schindler qui reste néanmoins le chef d’œuvre absolu du sieur Spielberg.
- Un film loin d’être aussi conventionnel que l’on pourrait le penser de prime abord et où prime une certaine ambigüité quand aux actes des divers protagonistes, chaque camp, finalement, ne cessant de se répondre par le sang, causant moult victimes sans que l’on puisse entrevoir une quelconque solution a une paix durable.
- Un casting haut en couleur avec un excellent Eric Bana, un Daniel Craig qui n’était pas encore James Bond et quelques petits français comme Mathieu Kassovitz, Michael Lonsdale, Mathieu Amalric, Marie-Josée Croze et Yvan Attal.
- Petite apparition de Meret Becker que les fans d’Einstürzende Neubauten connaissent bien.
- John Williams livre, comme à son habitude, une prestation de haute volée.

Points Négatifs :
- Jusqu’au boutiste palestiniens et israéliens n’ont pas vraiment apprécié ce film, ce qui peut se comprendre vu que celui-ci est bien plus complexe qu’on pourrait le penser de prime abord.
- Si vous êtes un critique de cinéma parisien abonné aux Cahiers du Cinéma, si vous faites parti des tout derniers lecteurs de Libération, si vous êtes un membre de la France Insoumise, si vous êtes un antisémite ou si vous êtes un intégriste musulman, vous risquer de ne guère apprécier ce film…

Ma note : 8/10